Eternal Sunshine of the Spotless Mind

18h38.
Le soleil tombant fait frémir la brise fine.

" Dis ? Tu m'en voudras pour toujours ? Tu auras toujours cette rancoeur coupable parce que je ne t'ai pas aimé comme l'idée que tu t'étais faite de moi l'aurait fait ?

- Ce n'est pas que je t'en veuille. C'est du regret. C'est de la déception. J'aurai voulu que mon parcours finisse par une réussite. J'aurai voulu déboucher sur l'immensité de la mer et son sempiternel roulement majestueux, serein, sage, immuable. Mais tu vois, je suis comme condamné à marcher pour toujours au milieu du desert. Parfois, il me semble voir le bleu absolu de l'eau, mais c'est un mirage. Parfois aussi, j'apperçois ton visage, et je n'y vois qu'un immense sourire exquis ;  alors ça me donne de l'espoir pour la suite. Je passe quelques jours à me dire que l'aboutissement est proche, que bientôt je pourrai plonger dans la mer. Mais je m'arrête un instant, et le vide autour se fait. Comme si les images mentales qui tourbillonnaient autour de moi n'avaient jamais existées. Comme si les chimères n'avaient plus aucun sens. Alors le vide et le silence s'insinuent en moi. Et je crie à  la lune. Bien sûr, je finis toujours par me résigner, je me sens un peu stupide d'avoir eu l'audace de croire, alors pour oublier ce sentiment je me remet à marcher et je fais semblant d'être satisfait de la vie. Tu sais, je finis toujours par y croire, l'esprit humain est capable de se mentir à lui-même pour obtenir ce qu'il cherche. Alors le fil de la vie passe et les grains de sable qui virevoltent désagrègent complétement l'évidence de mes désillusions vis à vis de toi. C'est à ce moment là que tu reviens comme un démon charmant pour exhiber ton sourire angélique qui insuffle l'espoir et la joie. Finalement je ne vis pas dans la souffrance tu vois, il y a des moments ou j'espère, et même s'ils sont plus courts que les moments ou j'ai toutes les raisons du monde de me morfondre à cause toi, ces instants valent tout l'or du monde. Tous les rires d'enfants, tous les sourires d'amoureux, toutes les odes à la joie, tous les cadeaux d'anniversaire. Oui tu vois, ces instants c'est mieux que quand je trouve un paquet de clopes plein par terre, c'est mieux que l'ivresse, mieux que les grasses mat', mieux que le nuttela, mieux que le soleil qui revient, mieux que Bob Marley, mieux que Clara Morgane, mieux que les belles voitures, mieux que le champagne, mieux que la neige à Noël, mieux qu'un Botticelli, Mieux que la vie entière, tu vois. "

La tête tournée vers les montagnes baignées d'une lumière flamboyante, vers l'horizon. Elle semblait fixer l'absolu, elle s'efforçait en fait seulement de ne pas croiser son regard à lui. Elle était la plus rusée de tous pour ça, elle arrivait toujours à faire croire qu'elle faisait des choses nobles, profondes, intelligentes, au delà du commun des mortels, alors qu'en réalité elle faisait quelque chose de tout à fait humain. C'était là le secret de son attraction.

"J'aimerai qu'il n'en soit pas ainsi. Tu vis pour moi, et ça me dérange. C'est absurde. On ne vit pas pour quelqu'un. Il faut construire sa vie et pas construire une vie dans un but vain. Il faudrait qu'on lobotomise la partie de ton encéphale qui contient des images de moi. Il faudrait que tout soit comme si tu ne m'avais jamais rencontré. Comme si je n'avais jamais existé. Tu pourrais déployer tes ailes et partir à la recherche de quelque chose de plus noble pour toi. "